Depuis plusieurs années, à cause d'une insécurité grandissante et parce que les moyens techniques sont de plus en plus accessibles et peuvent être installés par soi-même notamment par l’intermédiaire d’un Smartphone, la vidéosurveillance continue de se développer. Ces facilités d’accès à la vidéosurveillance ne doivent néanmoins pas occulter les droits des salariés.
Aussi, le développement qui suit permet de refaire un point, notamment au regard du droit du travail.
Un commerce est un lieu ouvert au public qui peut être particulièrement exposé au risque d’agression et de vol. Il s’avère alors parfois nécessaire de mettre en place un système de vidéosurveillance dans le seul but d’assurer la sécurité des personnes et des biens, à titre dissuasif ou pour identifier les auteurs de vols, de dégradations ou d’agressions.
C’est ainsi que le législateur autorise la mise en place de caméras de surveillance. Si le dispositif est équipé d’un système d’enregistrement et de conservation des images, il devra être conforme au RGPD (règlement européen sur la protection des données 2016/679 du 27 avril 2016) et une déclaration préfectorale sera nécessaire dans certains cas.
Attention néanmoins car une caméra ne fait pas le tri des images et enregistre tout. En d’autres termes, elle enregistre également les faits et gestes des salariés. Il est alors tentant d’utiliser le système comme un système de surveillance des salariés, surtout parce que l’on n’est pas en permanence dans le magasin et que la manipulation de marchandises ou d’argent est toujours risquée.
Cependant, comme toute procédure permanente dans l’entreprise, qui touche aux conditions de travail, la surveillance répond à des règles strictes.
Elles ont été établies à la fois par le législateur, par l’autorité compétente et par la jurisprudence.
La surveillance des salariés en tant que telle est prohibée. Il faut toujours avoir à l’esprit que la relation de travail est une relation de confiance. Mettre en place des moyens de surveillance disproportionnés tels que de la vidéosurveillance crée de fait un sentiment de suspicion.
Aussi, la surveillance des salariés n’est qu’un accessoire au but premier du système qui est d’assurer la sécurité des biens et des personnes.
Si l’employeur sait qu’il va également pouvoir s’en servir en cas de détection d’agissements répréhensibles de la part des salariés. Il doit les en informer préalablement (ainsi que les représentants du personnel s’ils existent). Les salariés (comme les visiteurs) devront être informés de l’existence du dispositif, de la base légale du dispositif, de la durée de conservation des images, le nom du responsable, la procédure à suivre pour demander l’accès aux enregistrements visuels les concernant, de la possibilité d’adresser une réclamation à la CNIL (commission nationale de l’informatique et des libertés).
Cette information peut se faire dans le contrat de travail, mais il est certainement préférable, car le dispositif peut évoluer avec le temps, de faire une information par voie d’affichage, sur le tableau destiné à l’information des salariés.
On s’attachera tout de même à doubler cette information par remise en main propre contre récépissé, de la même information.
D’une manière générale, un système de vidéosurveillance dans un commerce va être positionné à la fois dans un lieu ouvert au public qui comporte également des zones privées.
Depuis le 25 mai 2018, date de l'entrée en application du RGPD, la déclaration auprès de la CNIL a disparu pour les lieux non ouverts au public. Si l’entreprise a désigné un Délégué à la protection des données (DPO), ce dernier sera associé à la mise en œuvre des caméras. L’employeur doit alors inscrire le dispositif de vidéosurveillance dans le registre des traitements de données qu’il doit tenir.
Pour les zones publiques (espaces d’entrée et de sortie du public, zones marchandes, comptoirs, caisses), il faudra demander une autorisation préfectorale. Il conviendra alors de se rapprocher des services préfectoraux du département en téléchargeant cette demande d’autorisation sur le site du ministère de l’intérieur ou en la remplissant en ligne.
La vidéosurveillance qui conduit également à enregistrer les faits et gestes des salariés doit nécessairement respecter le principe de proportionnalité. Elle doit donc s’effectuer de façon adéquate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire à l’objectif poursuivi.
Le nombre, l’emplacement, l’orientation, les fonctionnalités et les périodes de fonctionnement des caméras, ou la nature des tâches accomplies par les personnes devant être soumises à la vidéosurveillance, sont autant d’éléments à prendre en compte lors de l’installation du système.
Ainsi, l’orientation des caméras doit être précise. Elle peut se faire vers la porte d’entrée, devant la caisse ou les linéaires. En revanche, il n’est pas autorisé d’avoir un champ trop large : la caméra doit davantage filmer le tiroir ou le comptoir que le caissier. Les caméras ne doivent pas filmer les zones de pause ou de repos des employés, ni les toilettes.
Par ailleurs, selon la CNIL, la conservation des images ne doit pas excéder un mois.
Enfin, il est admis que l’enregistrement du son associé aux images rend le système encore plus intrusif. Dès lors, ce type d’enregistrements sera qualifié de disproportionné, sauf justification particulière.
En 2016, 14 % des plaintes déposées à la CNIL concernaient le domaine du travail et plus particulièrement la vidéosurveillance.
À titre d’illustration, en mars 2015, la CNIL a été saisie par un salarié d’une plainte relative à l’installation, à son insu, d’une caméra au-dessus de son poste de travail. Un contrôle a été réalisé dans les locaux de l’entreprise par les services de la CNIL en avril 2016. Au vu des manquements constatés, la société a été mise en demeure de mettre en conformité son dispositif de vidéosurveillance notamment en renforçant la robustesse du mot de passe d’accès aux données et en cessant la visualisation en temps réel des images. La société n’a apporté aucune réponse aux demandes de la CNIL, malgré un courrier de relance. La formation restreinte, par délibération du 15 juin 2017 a alors prononcé une sanction pécuniaire d’un montant de 1 000 euros à l’encontre de la société.
De manière constante, la CNIL refuse que des salariés soient filmés en continu sur leurs lieux de travail sauf circonstances particulières (personnes exposées à un risque d'une particulière gravité).
Cette nouvelle sanction confirme cette doctrine qui permet de garantir le droit au respect de la vie privée des salariés au travail.
Pour rappel, l’article 226-16 du code pénal prévoit que le fait, y compris par négligence, de procéder ou de faire procéder à des traitements de données à caractère personnel sans qu'aient été respectées les formalités préalables à leur mise en oeuvre prévues par la loi est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 € d'amende.
Sur ce sujet, la Cour de cassation est très attentive.
La chambre sociale estime que lorsque le contrôle s'effectue sur le lieu de travail à l'insu des salariés et/ou sans consultation préalable des représentants du personnel et/ou sans déclaration à la CNIL et/ou sans consultation préalable des représentants du personnel et/ou sans déclaration à la CNIL (avant l’entrée en vigueur du RGPD), les enregistrements effectués constituent un mode de preuve illicite. Ainsi, des enregistrements vidéo illicites ne pourront pas être retenus dans une action concernant le bien-fondé d'une sanction ou d’un licenciement disciplinaire.
Ce principe ne vaut pas pour les dispositifs non utilisés pour contrôler l'activité des salariés.
C'est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 26 juin 2013 (n°12.16.564). Une solution similaire avait déjà été retenue pour des caméras destinées à assurer la sécurité d'un entrepôt
de marchandises ou à vérifier l'accès à un local dans lequel les salariés ne devaient avoir aucune activité.
La position de la chambre criminelle de la Cour de Cassation est également plus souple. Des enregistrements vidéo même illicites ne seront pas écartés dans le cadre d'une éventuelle action pénale (engagée par exemple pour vol de la part du salarié).
En conclusion, on peut affirmer que la vidéosurveillance est possible. Mais il faut toujours avoir à l’esprit qu’elle doit être utilisée que dans un objectif de sécurité des biens et des personnes. Elle ne doit pas devenir un outil de contrôle ni de sanction pour l’employeur.
La relation travail est et restera toujours une relation de confiance.
Pour en savoir plus : https://www.cnil.fr/fr/la-videosurveillance-videoprotection-au-travail
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